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Gaëtan et Zazon, un jeune couple de comiques, manient le trash… mais avec précaution.

La provoc, c’est un peu le style de Gaëtan Matis, un jeune humoriste. Un exemple parmi d’autres : au lendemain des attentats du 13 Novembre, il dégaine sur Facebook : « Quand on m’a dit qu’à Paris un verre en terrasse c’était vingt balles, je ne m’attendais pas à ça. » Ce jour-là, les copains — y compris des humoristes de métier — lui sont tombés dessus : trop tôt, trop tragique… Qu’importe, il a intégré la punchline à son spectacle, « Seul ensemble », à l’affiche le mois prochain au Quai du Rire à Marseille.

Gaëtan et Zazon, sa compagne, également humoriste, sont d’accord : les télés comme les radios se font frileuses, les associations sont sur le qui-vive, les proches multiplient les « tu devrais pas », et les « haters », ces internautes qui passent leur temps à tout dénigrer, sont plus déchaînés que jamais. Dans ce contexte, « les Desproges d’aujourd’hui, eh bien, ils rament », résume Gaëtan. « L’allergie aux comiques n’est que le signe d’une époque, estime Zazon. Depuis Coluche, la société a bien changé. On ne peut plus parler de religion ni de politique sans provoquer de bronca. »

Dans les dîners avec leurs copains humoristes, il y a débat entre ceux qui fuient les sujets trop complexes « de peur d’être mal compris » et ceux qui sautent dedans à pieds joints. Gaëtan relève plutôt de la seconde catégorie. Pas pour choquer gratuitement, promet-il. « Le rire permet aussi de relativiser la monstruosité du monde », explique soudain sérieux l’adepte de l’humour bête. Zazon précise qu’il faut parfois « tenir son public par la main pour bien marquer que ce n’est pas du premier degré ».

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Il faut de la finesse pour faire de l’humour trash

Au sortir du lit ou sur les planches, les deux pros du rire discutent de la bonne équation : « Plus le sujet est sensible et plus il faut un haut potentiel comique, estime Gaëtan. Si on arrive à faire hurler de rire, tout passe. » Selon sa chère et pas toujours tendre, « le sujet des violences faites aux femmes est le plus touchy ». Pour autant, ils ne se privent pas de s’en amuser. Zazon a publié une caméra cachée hilarante sur les réseaux sociaux où elle demande son chemin à des passants… presque nue sous son imperméable, sous le hashtag #balancetoitouteseule.

Dans son stand-up du moment, Gaëtan envoie : « J’adore coucher avec les femmes battues, qu’elles soient saignantes, bleue ou au poing. » Mais c’est là qu’on entre dans la petite cuisine des humoristes : « Je ne suis pas aussi connu qu’un Gaspard Proust, dont le public vient exprès pour les sorties polémiques, explique-t-il. Alors je ne commence pas par là, le niveau doit monter petit à petit et, au théâtre, on prend à partie le public, on sent quand la salle se gondole ou quand il y a un malaise. » Comme quoi il faut de la finesse pour faire de l’humour trash. Parfois aussi le moment de gêne sert de marqueur.

« Dans ce cas, on se dit que la formulation n’était pas la bonne ou qu’elle n’était pas en phase avec son personnage, explique Zazon. Alors on retravaille sa vanne et on y retourne. » Rien ne les arrête ? Si, l’inspiration. « Sur l’accident de car de Millas, je n’ai rien trouvé d’hilarant. C’est trop triste. Dans ce cas-là, je passe mon tour. »

Lui ne se fixe pas de limite

Pierre-Emmanuel Barré a été chroniqueur sur Canal +, France 2 et surtout France Inter, dont il a démissionné durant la campagne présidentielle, s’estimant censuré quand il a voulu défendre le choix des abstentionnistes. En tournée actuellement avec son humour noir et acide, son spectacle est interdit aux moins de 14 ans. Il nous confie son code de conduite. « Il y a une autocensure aujourd’hui, par peur d’un lynchage médiatique, il y a un tribunal populaire qui décide ce qui est bien ou pas. Personnellement, ma limite, c’est que ce soit drôle. Peu importe le sujet, la seule limite c’est que ce soit drôle. Il y a une indignation sélective, certains vont s’émouvoir qu’on parle de SDF, par exemple, alors que pour les migrants ils n’en ont rien à faire, ça enlève un peu de crédit à cette indignation. »

Comme d’autres, il souligne le rôle montant et parfois intéressé des associations : « Il y en a beaucoup qui vont s’appuyer sur le mot d’un humoriste ou un échange à la télévision pour se faire connaître, c’est un peu l’époque… » Très rude dans ses sketchs, il ne subit pourtant pas d’attaques : « Je suis très rarement pris à partie par les gens de manière générale, et quand j’étais sur Canal + et France Inter encore moins ; ces deux rédactions protègent leurs humoristes et ne leur font pas remonter les appels et messages des auditeurs ou téléspectateurs afin qu’ils conservent le même ton. Je l’apprenais ensuite, quelques semaines après la chronique en question. »

source : http://www.leparisien.fr/